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HISTOIRE DE iVIÀ VIE 109

11 ne faut point croire que le hasard et les protections conspirent beaucoup pour ou contre nous. L'empereur a son système. J'ai été très-bien servi auprès de lui par Clarke et Caulaincourt. Dupont lui-même m'a rendu justice et bien servi dans ces derniers temps. Je ne me plains de personne, et surtout je n'envie personne. Je me réjouis des faveurs qui tombent sur mes parents et mes amis. Seu- lement je me dis que je ne parviendrai pas par le même chemin, parce que je ne sais pas m'y prendre. L'empereur seul travaille et nomme. Le ministre de la guerre n'est plus qu'un premier commis. L'empereur sait ce qu'il fait et ce qu'il veut faire. Il veut ramener à lui ceux qui ont fait les superbes, et entourer sa famille et sa personne de courtisans arrachés à l'ancien parti. Il n'a pas besoin de complaire à de petits officiers comme nous, qui avons fait la guerre par enthousiasme et dont il n'a rien à craindre. Si tu étais lancée dans le monde, dans l'intrigue, si tu conspirais contre lui avec les amis de l'étranger, tout irait mieux pour moi, je ne serais pas ignoré, délaissé; je n'aurais pas eu besoin de payer de ma personne, de dormir dans l'eau et dans la neige, d'exposer cent fois ma vie et de sacrifier notre petite aisance au service de la patrie. Je ne te reproche pas ton désintéressement, ta .«agessc et ta vertu, ma bonne mère; au contraire, je t'aime, et t'estime et le vénère pour ton caractère. Pardonne-moi donc, à ton tour, de n'être qu'un brave soldat et un sincère patriote.

Consolons-nous pourtant. Vienne la guerre, et tout cela changera probablement. Nous serons bons à quelque chose quand il s'agira de coups de fusil, et alors on songera à nous.

Je ne veux pas relire la dernière page de ta lettre, je l'ai

brûlée. Hélas ! que me dis-tu ? Non, ma mère, un galanf.

homme ne se déshonore pas parce qu'il aime une femme,

et une femme n'est pas une fille quand elle est aimée d'un

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