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HISTOIRE DE MA VIE 107

coup d'esprit, en faisant des cadences si ridicules, qu'Au- guste, qui était debout derrière le piano, avec co grand sérieux de glace que tu lui connais, partit tout à coup d'un énorme éclat de rire. Ce fut le signal. J'étais vis-à-vis do lui, me mordant les lèvres et évitant de regarder made- moiselle Armand, qui se tenait à quatre. Mais quand je vis mon cher neveu perdre son flegme imperturbable et rire avec le laisser aller d'un homme qui ne f>.it rien à denji, je perdis toute contenance, et j'entraînai l'assemblée, qui m'obéit comme à un commandement général; ce fut un moment d'expansion inexprimable, invincible. Le mar- quis de S*** ne s'en aperçut pas le moins du monde, acheva son quatrain d'un air vainqueur, et fut applaudi à tout rompre.

Aurore est bien sensible, ma bonne mère, au baiser que je lui ai donné de ta part. Si elle pouvait parler ou écrire, elle te souhaiterait une ?;o?mc animée, la mieux tournée et la plus tendre du monde. Elle ne dit rien encore, mais je t'assure qu'elle n'en pense pas moins. C'est une enfant que j'adore, pardonne-moi cet amour-là, il ne nuit en rien à mon amour pour toi; au contraire, il me fait mieux com- prendre et apprécier celui que tu me portes.

Tu sais sans doute que le prince Joseph va être nommé roi de Lombardie, et Eugène Beauharnais roi dÉlruric. On parle d'une déclaration de guerre très-prochaine.

LETTRE XI

Paris, 9 ventôse.

En vérité, ma bonne et chère mère, si je voulais pre.idru ta lettre dans le ton où tu me l'as écrite, il ne me reste- rait plus qu'à me jeter dans la rivière. Je vois bien que lu