HISTOIRE DE MA VIE lOl
Ce fut l'abbé d'Andrezel qui repartit pour Paris, muni de lous b's pouvoirs nécessaires. L'abbé d'Andrezel , qu'on n'appelait plus l'abbé depuis la Révolution, étair un des liouimes les plus spirituels et les plus aimables que j'aie connus. Il a fait je ne sais quelles traductions du grec et passait pour savant. Il a été recieur de l'Univer.-ité, et pen- dant quelque temps censeur sous la Restauration. Ce n'était pourtant pas un royaliste à idées exagérées, et je l'ai sou- vent entendu dire, au temps où il exerçait ce triste minis- tère : « Ce que j'aime de mon emploi, c'est qu'il me per- met de jeter au ffu une foule de platitudes, et en cela les écrivains que je dépèce me devraient de la reconnaissance s'ils pouvaient se rendre justice. En revanche, j'ai le plai>ir de soustraire aux ciseaux de mes collègues une petite quantité de choses plaisantes et justes auxquelles je iais grâce parce qu'il s'y trouve de l'esprit. Le Français veut rire, et pourvu qu'on lui laisse la liberté de railler, il sup- porte la privation de la liberté déraisonner. 11 tient plus à sa gaieté qu'à ses passions, à son ironie qu'à son opinion. » 11 ajoutait tout bas à l'oreille de sa vieille amie ma grand'- mère : « J'ai affaire, je l'avoue, à des pédants très collet monté qui me trouvent trop tolérant, et b'ils parviennent à faire prédominer leur ridicule austérité, pour être moins moqué le gouvernement n'en sera que plus moquable. Je crois donc remplir mon mandat avec plus de conscience et de sagesse en respectant l'e-prit français partout où je le trouve, même dans le camp ennemi. D'ailleurs, c'est plus fjrt que moi, quand j'ai ri je suis désarmé. » Cette façon de penser ne fut point goûtée. Il exerça peu de temps les fonctions de censeur. Qu'on l'ait révoqué sans bruit ou qu'il se soit retiré par dégoût, je l'ignore.
Cet abbé d'Andrczel avait été tiès-joli garçon, et je crois qu'il était encore très-libcrlin. Il avait donc assez mauvaise grâce à se charger d'une mission aussi grave que celle qu'r
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