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quand la maison fut silencieuse. Alors il se lève, s’habille sans bruit, emplit ses poches de tous les instrumens qu’il s’est procurés, non sans danger. Il enlève le premier scellé, puis le second, puis le troisième. Le voilà à l’entresol, il s’agit d’ouvrir un meuble en marqueterie qui sert de casier et de dépouiller vingt-neuf cartons remplis de papiers ; car ma grand’mère n’a pas su dire où sont ceux qui la compromettent.

Il ne se décourage pas : le voilà examinant, triant, brûlant. Trois heures sonnent, rien ne bouge… mais si ! des pas légers font crier faiblement le parquet dans le salon du premier, c’est peut-être Nérina, la chienne favorite de la prisonnière, qui couche auprès du lit de Deschartres et qui l’aura suivi. Car force lui a été, à tout événement, de laisser les portes ouvertes derrière lui ; c’est le portier qui a les clés, et Deschartres s’est introduit à l’aide d’un rossignol.

Quand on écoute attentivement avec le cœur qui bondit dans la poitrine et le sang qui vous tinte dans les oreilles, il y a un moment où l’on n’entend plus rien. Le pauvre Deschartres reste pétrifié, immobile ; car, ou l’on monte l’escalier de l’entresol, ou il a le cauchemar ; et ce n’est pas Nérina, ce sont des pas humains. On approche avec précaution ; Deschartres s’était muni d’un pistolet, il l’arme, il va droit à la porte du petit escalier… mais il laisse retomber son bras déjà élevé à hauteur d’homme, car celui qui vient le rejoindre, c’est mon père, c’est Maurice, son élève chéri.

L’enfant, auquel il a vainement caché son projet, l’a deviné, épié ; il vient l’aider. Deschartres, épouvanté de lui voir partager un péril effroyable, veut parler, le renvoyer. Maurice lui pose sa main sur la bouche. Deschartres comprend que le moindre bruit, un mot échangé, peuvent les perdre l’un et l’autre, et la contenance de l’enfant lui prouve bien d’ailleurs qu’il ne cédera pas.