promptement, et, toutes dettes payées, tant à l’Etat qu’aux particuliers, elle se trouva ruinée, c’est-à-dire à la tête de 75,000 livres de rente[17].
[17] Voici un renseignement que me fournit mon cousin René de
Villeneuve : « L’hôtel Lambert était habité par notre famille et
par l’amie intime de Mme Dupin de Chenonceaux, la belle et
charmante princesse de Rohan-Chabot. C’était un vrai palais. En
une nuit, M. de Chenonceaux, fils de M. et de Mme Dupin, cet
ingrat élève de J.-J., marié depuis peu de temps à Mlle de
Rochechouart, perdit au jeu 70,000 livres. Le lendemain, il
fallut payer cette dette d’honneur. L’hôtel Lambert fut engagé,
d’autres bien vendus. De ces splendeurs, de ces peintures
célèbres, il ne me reste qu’un très beau tableau de Lesueur
représentant trois muses dont une joue de la basse. Il l’avait
peint deux fois, l’autre exemplaire est au Musée. M. de
Chenonceaux, notre grand-oncle et notre grand-père Francueil ont
mangé sept à huit millions d’alors. Mon père, marié à la sœur de
ton père, était en même temps propre neveu de Mme Dupin de
Chenonceaux et son unique héritier. Voilà comment depuis
quarante-neuf ans je suis propriétaire de Chenonceaux. » Je dirai
ailleurs avec quel soin religieux et quelle entente de l’art M.
et Mme de Villeneuve ont conservé et remeublé ce château, un des
chefs-d’œuvre de la renaissance.
La révolution devait restreindre bientôt ses ressources à de moindres proportions, et elle ne prit pas tout de suite son parti aussi aisément de ce second coup de fortune ; mais, au premier, elle s’exécuta bravement, et, bien que je ne puisse comprendre qu’on ne soit pas immensément riche avec 75,000 livres de rente, comme tout est relatif, elle accepta cette pauvreté avec beaucoup de vaillance et de philosophie. En cela, elle obéissait à un principe d’honneur et de dignité qui était bien selon ses idées ; au lieu que les confiscations révolutionnaires ne purent jamais prendre dans son esprit une autre forme que celle du vol et du pillage.
Après avoir quitté Châteauroux, elle habita, rue du Roi de Sicile, un petit appartement, dans lequel, si j’en juge par la quantité et la dimension des meubles qui garnissent aujourd’hui ma maison, il y avait encore de quoi se retourner.