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dence sincère entre ces deux femmes. Mettez cette lettre de côté, et qu’il n’en soit pas question.

Un matin que madame était un peu souffrante, le médecin, qui venait voir monsieur tous les deux ou trois jours, déclara, après examen et consultation, que madame la comtesse était enceinte. Elle en conçut une joie folle, et vint s’en vanter à monsieur, qui parut prendre fort bien la chose, mais qui me dit, dès que nous fûmes seuls :

— Voilà qui résout la question, Charles ! cet enfant n’est pas de moi.

— M. le comte croit pouvoir affirmer que cela est impossible ?

— Non, ces choses-là ne peuvent jamais s’affirmer que dans le cas d’absence ; mais je suis marié depuis six mois, je suis souffrant au point d’avoir peu d’espoir d’être père avant parfaite guérison. Ma femme réalise cet espoir juste au moment où je surprends un homme dans son appartement. Il y a de quoi réfléchir. Je réfléchirai !

Il se mit en effet à réfléchir beaucoup, pendant que madame se livrait à la joie avec une candeur qui tantôt me persuadait, tantôt me surprenait comme une audace exorbitante.

— Charles, me dit un soir M. le comte, j’ai réfléchi. C’est à vous de me renseigner sur la question légale. Votre père était très-fin en affaires, vous devez l’être aussi. Quel est le moyen d’éluder une paternité douteuse ? Il doit y en avoir plusieurs.