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de lui. Je suis venu aujourd’hui chez moi pour répondre à votre chère lettre. Je retourne au donjon ensuite, et demain je coucherai enfin dans mon lit, car mes soins sont complètement inutiles, et je commence à sentir un peu de fatigue. Vous pouvez donc m’écrire maintenant au Refuge. Nous avons décidément un facteur rural qui connaît fort bien le chemin de ma demeure, et qui ne se plaint pas d’avoir cette petite course en plus dans sa journée.

» Je ne vous dirai rien de ma situation morale. La voir pendant trois jours et penser au temps éloigné peut-être où je la reverrai… Je n’y veux point penser ! J’ai juré de ne pas quitter son fils, je me l’étais juré à moi-même avant de m’engager envers elle, je resterai. Ma vie ne m’appartient plus, elle lui sera à jamais consacrée. Vous le savez, vous m’approuvez, vous me secondez. Ah ! ma chère Berthe, quel cœur vous avez et quelle amie vous êtes ! Sans vous, je serais mort idiot ou furieux, et maintenant que, après ma longue agonie et mes tristes voyages, je suis redevenu un vivant, c’est à vous que je dois d’être un vivant utile, une force réparatrice ! Jouissez donc de votre ouvrage. Je ne sais si je suis toujours malheureux, mais je sais que je ne suis plus ni faible ni désespéré. Ce n’est pas être malheureux d’ailleurs que de vivre avec une souffrance. Le bonheur ne consiste pas dans l’absence des maux, il est uniquement dans la gran-