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vous avez des idées révolutionnaires, et dans ce cas nous ne saurions nous entendre.

J’entrai donc comme valet de chambre, et, mon père étant mort peu de temps après laissant plus de passif que d’actif, je n’eus pas le choix de mon existence. Il s’agissait d’acquitter ses dettes au plus vite, car il m’avait enseigné l’honneur, et je ne voulais pas être le fils d’un banqueroutier. Je pris des termes avec les créanciers, mais ils exigeaient un certain à-compte. Je dus demander à mon maître s’il voulait bien avoir assez de confiance en moi pour me faire l’avance de quelques années de mes honoraires. Il me questionna, et, voyant ma situation :

— J’estime la probité, me dit-il, et j’entends l’encourager ; vous devez trente mille francs, je me porte votre caution afin que tous les ans vous puissiez vous libérer avec la moitié de vos gages. Vous prendrez ainsi le temps nécessaire pour payer sans vous priver de tout ; il ne me convient pas que vous soyez près de moi dans la misère.

Au bout de la première année, mon maître, étant content de moi, voulut payer les intérêts courants de la dette paternelle, si bien que, me trouvant son obligé et me faisant un devoir de la reconnaissance, j’acceptai sans en souffrir davantage mon titre de valet et la dépendance de toute ma vie.