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dirai plus tard, et qui n’est pas ce que tu crois. Tu ne pourrais pas le deviner, ne cherche pas.

Ils passèrent le dernier jour à parcourir en barque la rade de la Spezzia. Ils se faisaient mettre à terre de temps en temps pour cueillir sur les rives de belles plantes aromatiques qui croissent dans le sable et jusque dans les premiers remous du flot indolent et clair. L’ombrage est rare sur ces beaux rivages d’où s’élancent à pic des montagnes couvertes de buissons en fleur. La chaleur se faisant sentir, dès qu’ils apercevaient un groupe de pins, ils s’y faisaient conduire. Ils avaient apporté leur dîner, qu’ils mangèrent ainsi sur l’herbe, au milieu des touffes de lavande et de romarin. La journée passa comme un rêve, c’est-à-dire qu’elle fut courte comme un instant, et qu’elle résuma pourtant les plus douces émotions de deux existences.

Cependant le soleil baissait, et Laurent devenait triste. Il voyait de loin la fumée du Ferruccio, le bateau à vapeur de la Spezzia, que l’on chauffait pour le départ, et ce nuage noir passait sur son âme. Thérèse vit qu’il fallait le distraire jusqu’au dernier moment, et elle demanda au batelier ce qu’il y avait encore à voir dans la baie.

— Il y a, répondit-il, l’île Palmaria et la carrière de marbre portor. Si vous voulez y aller, vous pourrez vous y embarquer. Le vapeur y passe pour prendre la mer, car il s’arrête en face, à Porto-Venere, pour recevoir des passagers ou des marchandises. Vous aurez tout le temps de gagner son bord. Je réponds de tout.

Les deux amis se firent conduire à l’île Palmaria.

C’est un bloc de marbre à pic sur la mer et qui s’abaisse en pente douce et fertile du côté du golfe : il y a de ce côté quelques habitations à mi-côte et deux villas sur le rivage. Cette île est plantée, comme une défense naturelle, à l’entrée du golfe ; dont la passe est fort étroite entre l’île et le petit port jadis consacré à Vénus. De là le nom de Porto-Venere.

Rien dans l’affreuse bourgade ne justifie ce nom poétique, mais sa situation sur les rochers nus, battus de flots agités, car ce sont les premiers flots de la véritable mer qui s’engouffrent dans la passe, est des plus pittoresques. On ne saurait imaginer un décor plus frappant pour caractériser