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trace de civilisation. Le pays est pourtant cultivé partout et plus habité qu’il ne le paraît, les nombreuses chaumières cachant leurs toits bas et incolores sous les arbres ou dans les plis du terrain. Mais la pensée d’aucun des êtres qui sont là ne franchit les limites de son petit domaine. Le paysan est tellement identifié à la nature, qu’il n’en dérange pas la tranquille solennité et qu’il ne semble point peupler la solitude. Le sentiment qui s’empare de nous autres liseurs, quand nous pénétrons dans ces retraites bocagères, est celui-ci : le repos dans l’oubli. Et, ne t’en déplaise, si c’est une pensée égoïste, elle est diablement douce et salubre.

J’en étais là de ma rêverie lorsque Hydrogène arriva, avec ses mains. Il se fit un siège d’un arbre voisin et me narra l’histoire de ce verger.

— La maison, dit-il, n’a jamais été qu’une maison de paysan riche, et mon grand-père n’était rien de plus qu’un paysan. Mais il avait amassé du bien et fit planter ces arbres et bien d’autres, car le verger s’étendait autrefois jusqu’au lit de la rivière. Il l’entoura d’un large fossé dont vous voyez les vestiges et son enclos passait pour le plus riche du pays. Mais le grand-père eut qua-