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dans ses loques. Donc, vivre est tout et la vie est un bien ! — Ô ami ! qu’en penses-tu !

Il s’adressait à un passant attardé et quelque peu gris qui traversait notre dissertation d’un pas inégal, la tête dans les épaules et le nez dans son manteau.

Le passant s’arrête, réfléchit un instant, et répond sans se troubler :

— La vie est un bien, tant qu’il y a du vin.

— Tiens, c’est *** ! Va te coucher, ivrogne ! tu as la figure salée et tu me donnerais envie de boire si je te regardais plus longtemps. Sache qu’en ce moment ma lyre est montée sur le mode ionien et que je méprise tes joies grossières.

— Avec qui parlais-tu donc ? dit le quidam en cherchant des yeux autour de lui.

— Avec les étoiles du ciel, animal ! Bonsoir.

Il passe et Duteil reprend :

— Oui, la vie est un bien et chacun le sent ; mais le sage se rend compte de ses joies, et peut-être le plus sage est-il celui qui, comme vous, ma chère amie, savoure sans bruit cette liqueur dont les autres s’enivrent. On prétend que la vie est pleine de maux, de périls, de fatigues et de troubles. Parbleu ! nous en avons