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apercevoir, mais personne ne me reconnaît. Ils sont tous si loin de penser à moi ! Pourrait-on jamais supposer ? Et moi-même, personnage grave en dedans, et en possession d’un sang-froid souvent mis à l’épreuve, je ne pense pas que ce soit moi. Non, ce n’est pas moi, c’est l’autre. C’est le petit qui s’amuse, comme dit mon frère.

Les ouvriers sont très-bons camarades avec nous. Au fait, beaucoup d’entre eux sont des camarades d’enfance. Fils d’artisans souvent employés chez notre grand’mère lorsqu’elle fit bâtir une grande partie de la maison inachevée, ils ont travaillé chez nous avec leurs parents maçons, peintres et charpentiers, et se sont volontiers dérangés de leur tâche pour courir avec nous dans le jardin, grimper aux arbres et piétiner les plates-bandes. Ils ont fraternellement partagé les coups de balai et les arrosades que nous administrait le jardinier. Ils pourraient fort bien nous reconnaître et se déclarer enchantés de notre visite. Mais ces bals d’artisans, comme on dit ici, sont hantés par des hétérogènes, les jeunes bourgeois du cru épris des grâces de nos grisettes. Dame, elles sont jolies et d’humeur