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resté pour soutenir et consoler ceux qui, ne pouvant le suivre, l’ont retenu par leur cri de douleur.

Et combien d’autres ont agi en ce sens ! Quel déchirement pour ceux qui restent ! Toute famille brisée, tout foyer dégarni, toute intimité rompue, toute étude locale abandonnée, tout travail stérilisé ! et le contact inévitable, incessant avec le vainqueur insolent, attristé ou aigri lui-même et comme honteux au milieu de cette désertion ! J’ai vécu à Venise, à une époque où nulle espérance de salut n’apparaissait encore. Je me rappelle la morne tristesse de la cité déchue. Hélas ! ces jours de deuil commencent pour nos frères.

Leur parlerons-nous de revanche ? Il n’en faut pas parler à cette heure de désolation. Le joug qui courbe tant de nobles fronts serait rendu plus lourd et plus serré par des mains brutales ; c’est presque en secret, dans le secret de nos cœurs, qu’il nous faut rêver de meilleures destinées pour la France, aujourd’hui paralysée par l’antagonisme des idées et l’ambition des partis rétrogrades.

Vous voyez, je ne dis rien, je ne sais rien