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Et moi, je réchauffais la sienne sur ma bouche.
Et, confiante en toi, je t’implorais, mon Dieu !
J’inondais de mes pleurs le duvet de sa couche.

Sans croire à ce lugubre adieu !

Son souffle était, hélas ! brisé par l’agonie,
Que l’espérance encor n’avait pas fui mon cœur,
Car j’avais toujours cru ta clémence infinie,

Ô maître, et non pas ta rigueur.

Ah ! ne me dites pas d’avoir force et courage :
Laissez-moi, laissez-moi, ne me consolez pas.
Je perds tout, et je reste à gémir la dernière.

La nuit sombre a couvert mes jours purs et dorés.
Et mon front s’est meurtri contre la lourde pierre
Qui me cache un cœur tendre et des traits adorés.
Dans le jardin funèbre, ainsi qu’une âme en peine.
Je reste, je m’oublie et ne puis vivre ailleurs.
C’est là qu’à tout moment mon instinct me ramène.
Là de mes jours flétris s’écoulent les meilleurs.
J’habite chez les morts comme dans ma demeure.
Le sol bénit sait bien le poids de mes genoux.

Mes yeux se sont lassés depuis qu’ici je pleure.

Les années se succèdent. En 1853, la douleur ne s’est point calmée.

À l’absence, dit-on, le temps nous accoutume.
Erreur ! le temps aigrit le mal qui me consume.
Chaque jour je te pleure avec plus d’amertume.

Ami tant regretté !