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On traversait la Terreur. Le prince se rassurait et se réjouissait comme un enfant. L’abbé voyait bien qu’il y avait quelque chose à faire encore. Ce qu’il inventa était dans ses habitudes de générosité et dans ses instincts de grand seigneur. Il demanda carte blanche au prince, manda tous les fermiers, se fit approvisionner par eux pour des distributions pantagruéliques et appela tous les nécessiteux d’alentour à la nourriture. Il y eut foule au château, car la riche Normandie était dans la misère comme le reste de la France. L’abbé dépensa des sommes considérables, sans prodigalité pourtant, car il était essentiellement organisateur et administrateur. Il fit si bien, que les libéralités de la maison de Bouillon devinrent, en ces mauvais jours, une nécessité dont il eût été impolitique de priver les paysans affamés et désespérés. La Terreur passa sans encombre pour les réfugiés du château de Navarre. Le prince fut fort gai et ne manqua de rien. Il imagina, pour tuer le temps, d’entreprendre un amusement littéraire en partie double avec son frère. Il voulait faire un roman d’amour par lettres. L’abbé écrirait celles de la dame ; le duc, celles de l’amant. La chose n’alla pas plus loin