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COSIMA.

Je vous aime mille fois plus, vous le savez.

ORDONIO.

Mille fois plus ! mais de la même manière ?

COSIMA.

Je ne vous comprends pas.

ORDONIO.

Vous m’aimez d’amitié ! dites ! rien que d’amitié ?

COSIMA.

Ordonio ! quel sens ont donc ces vaines distinctions devant Dieu qui lit au fond des cœurs ?

ORDONIO.

Eh bien, donc, vous m’aimez d’amour ? (Se laissant tomber doucement à ses genoux.) Oh ! tu m’aimes d’amour ! ne me le dis pas, puisque tu crains de prononcer ce mot terrible ! mais laisse-moi lire mon bonheur dans tes yeux… Ne détourne pas ton visage !…

COSIMA, voulant se lever.

Rentrons, mon ami. De telles émotions nous feraient oublier les promesses que nous avons faites à Dieu.

ORDONIO, la retenant et l’entourant de ses bras.

Un instant encore ainsi !… Est-ce donc trop demander après tant de souffrances et de sacrifices ?

COSIMA, essayant de se dégager.

Oui, c’est trop, c’est plus que nous ne devons.

ORDONIO.

Enfant ! qui donc tracera d’une main rigoureuse la limite où nos droits finissent et où nos devoirs commencent ? En quoi donc fais-tu consister ta vertu ? Un regard, un mot, un baiser(il l’attire vers lui) peuvent-ils l’entacher, si le don de ton cœur l’a laissée pure ?

COSIMA, se dégageant de ses bras.

Oh ! laissez-moi, laissez-moi, vous dis-je ! Est-ce que je n’ai pas déjà assez de remords dans L’âme ? Est-ce que je n’ai pas trompé mon mari, mon oncle ? Est-ce que je ne sa-