Vous me le demandez ? Il sera ici dans un instant, et pour ne jamais vous quitter ; et moi, je ne vous reverrai plus peut-être !… et vous me reprochez d’être venu à la dérobée contempler une seule fois vos traits, effleurer vos mains de mes lèvres, comme si c’était trop de bonheur, après avoir tant souffert !
Tant souffert ! vous avez donc souffert aussi, vous ?
J’étais loin de vous, je ne savais plus rien de vous ; je n’existais plus, et maintenant, s’il faut que je vous perde encore, j’aime mieux mourir !
Ordonio ! ne vous découragez pas ainsi ; vivez ! vivez pour… pour sauver mon mari.
Je le sauverai, madame ; mais alors me traiterez-vous du moins comme un ami ?
Comme un frère, si vous avez pitié de nos souffrances passées et si vous respectez désormais le repos de ma famille, l’honneur de ma maison…
Des craintes ! des reproches ! quand, moi, je me sacrifie, quand je travaille au salut d’Alvise avec autant d’ardeur que s’il s’agissait de mon bonheur et non de mon désespoir !
Eh bien, non ! pas de reproches ; car vous êtes loyal, vous êtes noble, j’en suis sûre ; allez donc, et que Dieu…
Achevez, Cosima !
Dieu m’a entendue. Allez, Ordonio.