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confie-moi ta peine. Confie-la au ciel qui t’aime et qui te consolera.

COSIMA.

Ô mon père ! ne me parlez pas avec cette bonté. J’ai commis aujourd’hui le crime dans mon cœur… Écoutez, je vous parle comme à mon seul parent, comme au guide de ma jeunesse, et aussi comme au ministre du Seigneur… Je vous dirai les choses comme elles sont. Depuis quelque temps, un homme me recherche… C’est un Vénitien… un…

LE CHANOINE.

Ne me dis pas son nom, c’est inutile.

COSIMA.

Ce n’est point inutile ;… ceci est plus qu’une confession, mon père, c’est une confidence. Cet homme s’appelle…

LE CHANOINE.

Ordonio Éliséi ?

Ordonio, appuyé sur le confessionnal derrière Cosima, se penche pour entendre sa réponse.
COSIMA, baissant la voix avec abattement.

Oui, mon oncle.

Ordonio fait un geste de triomphe.
LE CHANOINE.

Eh bien, tu m’avais déjà parlé de ses poursuites : tu ne les as point encouragées ? de ses lettres : tu ne les as pas reçues ? de ses instances : tu ne les as point écoutées ?

COSIMA.

Non, mon oncle. Je vous assure que, s’il a conçu quelque espérance, il faut qu’il soit bien présomptueux ! (Geste ironique d’Ordonio.) Mais je ne suis pas moins obsédée de ses soins. Je ne puis faire un pas dans la ville sans qu’il soit sur mes traces, et je ne puis me mettre à ma fenêtre sans qu’il soit sous mes yeux. Ces assiduités ont été remarquées. Des personnes imprudentes en ont averti mon mari. Mon mari, plus imprudent encore, n’a rien fait pour en réprimer l’insolence. Alors, j’ai bien vu que ce courtisan ferait du tort à ma réputation et troublerait la paix de mon ménage.