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Scène IV


COSIMA, seule.

Elle fait involontairement un pas pour sortir avec Jacopo, puis elle s’arrête et l’écoute fermer la porte en dehors. Il le faut ! — Plus d’espoir ! — Ô mon Dieu ! vous m’avez abandonnée ! Vous m’avez placée entre deux crimes, le suicide ou la corruption ! Vous n’avez pas voulu me laisser un seul appui. Mon oncle ! Néri !… où sont-ils ? Je n’ai pu les joindre de la soirée. Avec quelle horrible rapidité ces heures se sont écoulées ! Toutes mes espérances ont été anéanties, tous mes efforts inutiles, et mon implacable destin s’accomplit ! — Et ce duc qui devait me sauver et qui aussitôt m’a oubliée ! Aucun secours, aucune pitié ! nulle part un ami ! Mon Dieu !… (Elle s’approche d’une fenêtre et soulève le rideau. On entend le son des instruments dans le lointain.) Le palais est bien près d’ici, en effet. — Des illuminations ! de la musique ! une fête !… Ah ! je comprends maintenant que le prince ne pouvait ni se rappeler les dangers d’une pauvre femme, ni laisser monter jusqu’à lui le cri de sa douleur ! — Ne pourrais-je pas faire une dernière tentative, courir à travers ce jardin, pénétrer dans ce bal, me jeter aux pieds du souverain, le sommer de tenir sa parole en face de toute sa cour ? Ah ! dans leurs idées, un duel est une chose sacrée, et nul ne voudra l’empêcher !… le duc seul l’aurait pu, et il ne l’a pas voulu, lui qui me faisait de si belles promesses !… Il y pensera demain quand Ordonio ira se vanter à lui de ma défaite, ou quand on ramassera le corps ensanglanté d’Alvise dans quelque fossé de la ville. — Deux fois déjà, ce soir, je me suis présentée aux portes de ce palais ; j’en ai été repoussée comme on repousse un mendiant ! J’ai écrit trois lettres au duc ; que seront-elles devenues ? Elle font peut-être en cet instant la risée de quelque page ! — Et Alvise ! Alvise, où est-il à cette heure ?… Ah ! ce que m’a écrit Ordonio est bien vrai ; c’est bien cette nuit qu’ils vont se battre si je ne me dévoue à