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Paris nous est cher, à présent, et comme nous aimons ceux qui donnent ce grand exemple à la France ! Pauvre France ! quelle fatalité pèse sur nos armées ! Il y a pourtant du cœur et du dévouement en masse ; mais le soldat souffre trop, et nous ne sommes pas bien conduits, il faut le croire. Je ne sais pas ! Qui peut être juge des faits qu’on ne voit pas et qui ne vous sont transmis qu’avec une excessive réserve ? Mais je crois plus juste et plus vrai de mettre la faute sur le compte de quelques hommes insuffisants, que sur celui d’une nation généreuse et brave dont la tête s’appelle Paris et se défend avec tant d’héroïsme. Quelle sera la fin ! impossible de le prévoir, et nos âmes sont dans une sorte d’angoisse…

Ah ! mon Dieu, cher ami ! le sous-préfet de la Châtre m’apporte la nouvelle de l’armistice ! Je ne sais pas si c’est la paix ; je ne sais quel avenir, quelles luttes intestines, quels nouveaux désastres nous menacent encore ; mais on ne vous bombarde plus, mais on ne tue plus les enfants dans vos rues, mais le ravage et la désolation sont interrompus ; on pourra ramasser les blessés, soigner les malades ! — C’est un répit dans la souffrance intolérable. — Je respire ; mes enfants et moi, nous nous embrassons en pleurant. Arrière la politique ! arrière cet héroïsme féroce du parti de Bordeaux qui veut nous réduire au désespoir et qui cache son incapacité sous un lyrisme fanatique et creux, vide d’entrailles. Comme on sent dans Jules Favre une autre nature, un autre cœur ! Je suis en