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la métaphysique. Moi aussi, j’aime à voir résumer en quelques mots ce qui remplit ailleurs des volumes ; mais, ces volumes, il faut les avoir compris à fond (soit qu’on les admette, soit qu’on les rejette) pour trouver le résumé sublime qui devient l’art littéraire à sa plus haute expression ; c’est pourquoi il ne faut rien mépriser des efforts de l’esprit humain pour arriver au vrai.

Je te dis cela, parce que tu as des partis pris excessifs en paroles. Au fond, tu lis, tu creuses, tu travailles plus que moi et qu’une foule d’autres. Tu as acquis une instruction à laquelle je n’arriverai jamais. Tu es donc plus riche cent fois que nous tous ; tu es un riche et tu cries comme un pauvre. Faites la charité à un gueux qui a de l’or plein sa paillasse, mais qui ne veut se nourrir que de phrases bien faites et de mots choisis. Mais, bêta, fouille dans ta paillasse et mange ton or. Nourris-toi des idées et des sentiments amassés dans ta tête et dans ton cœur ; les mots et les phrases, la forme dont tu fais tant de cas, sortira toute seule de ta digestion. Tu la considères comme un but, elle n’est qu’un effet. Les manifestations heureuses ne sortent que d’une émotion, et une émotion ne sort que d’une conviction. On n’est point ému par la chose à laquelle on ne croit pas avec ardeur.

Je ne dis pas que tu ne crois pas, au contraire : toute ta vie d’affection, de protection et de bonté charmante et simple, prouve que tu es le particulier le plus convaincu qui existe. Mais, dès que tu manies la littéra-