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forçats libérés que Paris expulsa. Il serait grand temps d’organiser nos gardes nationales. Mais Paris presse davantage, je le conçois.

Aucun de nos jeunes garçons n’est parti. Tous ont été réformés pour délicatesse de complexion. Mais, en général, on pourrait dire à cette jeunesse — et on le lui dit — qu’il y a de sa faute, qu’elle a trop nocé, et que son devoir serait de se faire casser la gueule, puisqu’elle a des forces pour vivre le jour au café et la nuit au… Malheureusement on les a gâtés, énervés ; l’Empire les a corrompus, ils ne sont bons qu’en temps de paix. Si cette mobile, qui est une bonne institution par elle-même, eût été exercée et enrayée, elle serait plus robuste et plus courageuse. Enfin espérons, que ceux d’ici, tout penauds qu’ils étaient au départ, se conduiront aussi bien que les autres Français. Ce qui l’excuse, cette jeunesse de petits crevés, c’est qu’ils vivent loin du théâtre de la guerre et qu’il n’y a pas eu, au début, la cause, par conséquent le souffle patriotique.

Je t’en écris trop long, tu n’auras pas le temps de me lire. Je comprends que tu sois fatigué, et je ne suis pas sur des roses en pensant que, toi et tous nos amis, vous êtes dans le péril le plus prochain. Notre jour viendra, je le crois ; mais nous ne pensons qu’à vous.

Nous t’embrassons tous bien tendrement ; les fillettes parlent toujours de toi.

G. SAND.