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apocryphe, un de leurs amis civis buliscus, je veux bien, aurait voyagé dans l’Inde ou dans la Perse, et recueilli de la bouche d’un Bouliskof de ce temps-là, le récit traditionnel des aventures de l’Atlantide, et qu’il expliquerait en peu de mots les types et les fictions à sa manière et à son point de vue.

Exemple : « Vous me demanderez, mon cher Lucien, ce que je pense des Gaules et si je crois à leur existence. En vérité, j’y crois un peu pour telle ou telle raison. »

Ces interruptions du narrateur feraient très bien. Elles ramèneraient, du fond d’une antiquité fantastique, le lecteur au sentiment d’une réalité antique à lui connue. Elle peindrait l’état des esprits au temps du narrateur, et cet état est, s’il m’en souvient bien, un mélange de scepticisme audacieux et plaisant, avec une foule de superstitions grossières comme l’histoire naturelle d’Oppien. Tout cela mettrait le lecteur sur ses pieds. Il se dirait : « Voici d’où je pars et voilà où l’on me mène. Je le veux bien, pourvu qu’on me rappelle de temps en temps où j’étais. »

Autrement, il dira qu’on l’emmène trop loin, qu’on le perd dans le brouillard, et que des gens si anciens ne sont pas assez différents du présent, ou bien qu’ils le sont trop ; qu’il ne peut en être juge, et, quand le lecteur se sent trop dépaysé, il vous lâche.

Enfin, il voudra se dire à chaque instant : « Voilà de drôles de mœurs et d’incroyables habitudes ! Mais c’était comme ça, on me le prouve. Celui qui raconte