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n’était pas. — Il n’a pas encore donné toute sa voix. Le volume énorme de son cerveau le trouble. Il ne sait s’il sera poète ou réaliste ; et, comme il est l’un et l’autre, ça le gêne. — Il faut qu’il se débrouille dans ses rayonnements. Il voit tout et veut tout saisir à la fois. — Il n’est pas à la taille du public, qui veut manger par petites bouchées, et que les gros morceaux étouffent. Mais le public ira à lui, quand même, quand il aura compris. — Il ira même assez vite, si l’auteur descend à vouloir être bien compris. — Pour cela, il faudra peut-être demander quelques concessions à la paresse de son intelligence. — Il y a à réfléchir avant d’oser donner ce conseil. »

Voilà le résumé de ce qu’on a dit. Il n’est pas inutile de savoir l’opinion des bonnes gens et des jeunes gens. Les plus jeunes disent que l’Éducation sentimentale les a rendus tristes. Ils ne s’y sont pas reconnus, eux qui n’ont pas encore vécu ; mais ils ont des illusions, et disent : « Pourquoi cet homme si bon, si aimable, si gai, si simple, si sympathique, veut-il nous décourager de vivre ? » — C’est mal raisonné, ce qu’ils disent, mais, comme c’est instinctif, il faut peut-être en tenir compte.

Aurore parle de toi et berce toujours ton baby sur son cœur ; Gabrielle appelle Polichinelle son petit, et ne veut pas dîner s’il n’est vis-à-vis d’elle. Elles sont toujours nos idoles, ces marmailles.

J’ai reçu hier, après ta lettre d’avant-hier, une lettre de Berton, qui croit qu’on ne jouera l’Affranchi