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DCCIX

À GUSTAVE FLAUBERT, À PARIS


Nohant, 30 novembre 1869.


Cher ami,

J’ai voulu relire ton livre[1] ; ma belle-fille l’a lu aussi, et quelques-uns de mes jeunes gens, tous lecteurs de bonne foi et de premier jet — et pas bêtes du tout. Nous sommes tous du même avis, que c’est un beau livre, de la force des meilleurs de Balzac et plus réel, c’est-à-dire plus fidèle à la vérité d’un bout à l’autre.

Il faut le grand art, la forme exquise et la sévérité de ton travail pour se passer des fleurs de la fantaisie. Tu jettes pourtant la poésie à pleines mains sur ta peinture, que tes personnages la comprennent ou non. Rosanette à Fontainebleau ne sait sur quelle herbe elle marche, et elle est poétique quand même.

Tout cela est d’un maître et ta place est bien conquise pour toujours. Vis donc tranquille autant que possible, pour durer longtemps et produire beaucoup.

J’ai vu deux bouts d’article qui ne m’ont pas eu l’air en révolte contre ton succès ; mais je ne sais guère ce

  1. L’ Éducation sentimentale.