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famille, tout ce qui émeut, tout ce qui combat l’anémie morale.

Je crois que l’art a besoin d’une palette toujours débordante de tons doux ou violents suivant le sujet du tableau ; que l’artiste est un instrument dont tout doit jouer avant qu’il joue des autres ; mais tout cela n’est peut-être pas applicable à un esprit de ta sorte, qui a beaucoup acquis et qui n’a plus qu’à digérer. Je n’insisterai que sur un point, c’est que l’être physique est nécessaire à l’être moral et que je crains pour toi, un jour ou l’autre, une détérioration de la santé qui te forcerait à suspendre ton travail et à le laisser refroidir.

Enfin, tu viens à Paris au commencement de janvier et nous nous verrons ; car je n’y vais qu’après le premier de l’an. Mes enfants m’ont fait jurer de passer avec eux ce jour-là, et je n’ai pas su résister, malgré un grand besoin de locomotion. Ils sont si gentils ! Maurice est d’une gaieté et d’une invention intarissables. Il a fait de son théâtre de marionnettes une merveille de décors, d’effets, de trucs, et les pièces qu’on joue dans cette ravissante boîte sont inouïes de fantastique.

La dernière s’appelle « 1870 ». On y voit Isidore avec Antonelli commandant les brigands de la Calabre pour reconquérir son trône et rétablir la papauté. Tout est à l’avenant ; à la fin, la veuve Euphémie épouse le Grand Turc, seul souverain resté debout. Il est vrai que c’est un ancien démoc et on reconnaît