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me ménage-t-elle de nouveaux chagrins. Inutile d’en supputer les chances, puisque le devoir est de l’accepter quelle qu’elle soit.

Ainsi vous faites, avec un courage bien supérieur au mien, qui n’est qu’un détachement amené par l’expérience. Vous, toujours prisonnier ou malade, vous n’avez guère vécu réellement ; aussi votre âme s’est habituée à s’épanouir quand même, dans une région au-dessus de la vie réelle, et cette noble existence torturée, toujours souriante et douce, restera comme une légende dans le cœur de nos enfants.

Merci, merci, et pardon mille fois pour les inquiétudes que vous m’exprimez. Aucun médecin ne sait jamais comment je m’atténue et me remets si vite ; je ne le sais pas non plus. Je ne devrais parler de moi qu’in articulo mortis, puisque je donne de fausses peurs à mes amis.

Maurice vous embrasse, et moi aussi, bien tendrement. Ne vous fatiguez pas à m’écrire ; mais, quand vous êtes bien ou passablement, deux lignes ! c’est un si grand bonheur pour nous !

À vous.

G. SAND.