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Mais qu’importe, s’il le faut, mon ami ? De par notre être éternel, nous ne pouvons pas douter du réveil de l’idéal dans l’humanité. Cette réaction d’athéisme moral est inévitable ; elle est la conséquence du développement exagéré du mysticisme. L’homme, trompé et leurré durant tant de siècles, croit se sauver par la prétendue méthode expérimentale. Il ne voit qu’un côté de la vérité et il l’essaye. C’est son droit. Il a le droit de se mutiler. Quand il aura bien expérimenté ce régime, il verra que ce n’est pas cela encore, et la France éclipsée redeviendra la terre des prodiges ; question de temps ! « Nous n’y serons pas, disent les faibles ; la vie est courte et la nôtre s’écoule dans la peur et les larmes. »

Disons-leur que la vie est continue et que les forts seront toujours où il faudra qu’ils soient.

Dites-moi, à moi, quels sont les ouvrages sur Jeanne d’Arc qui vous ont donné une certitude sur ses notions personnelles. Je n’ai lu de sérieux sur son compte que ce qu’en dit Henri Martin dans son Histoire de France. Tout le reste de ce que j’ai eu dans les mains est trop légendaire et je n’y trouve pas une figure réelle, c’est à faire douter qu’elle ait existé. Ses réapparitions après la mort font ressembler son histoire à celle de Jésus, qui n’a pas existé non plus, du moins personnalisé comme on nous le représente.

Ces grands hallucinés sont déjà bien loin de nous, et j’ai un certain éloignement pour les extatiques, je vous le confesse. J’aime tant l’histoire naturelle,