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ce temps affreux ? peut-être ne l’avez-vous pas ? Ici, c’est comme la fin du monde, quinze jours d’orages et de tempêtes ! J’en suis malade. Heureusement mon roman est fini ; car, sous le coup de l’électricité dont l’air est saturé, j’aurais copié votre dénouement et M. Sylvestre eût tué sa carogne de femme. Mais il n’avait pas ce droit-là, n’étant pas artiste, c’est-à-dire homme de premier mouvement, et se piquant d’être philosophe ; c’est-à-dire homme de réflexion. Il faut croire que votre dénouement est le vrai, au reste, puisque mon bonhomme a senti que, s’il redevenait épris de sa femme, il la tuerait.

À présent, mon fils, il nous faudrait faire, non pas la contre-partie, mais le pendant, en changeant de sexe. Voilà une femme pure, charmante, naïve, avec toutes les qualités et le prestige d’un Clémenceau femelle ; son mari l’aime physiquement, mais il lui faut des courtisanes, c’est son habitude et il l’avilit par sa conduite. Que peut-elle faire ? elle ne peut pas le tuer. Elle est prise de dégoût pour lui ; ses retours à elle lui font lever le cœur ; elle se refuse. Mais elle n’en a pas le droit. — Ah qu’est-ce qu’elle fera ? Elle ne peut pas se venger : elle ne peut pas même se préserver, car il peut la violer et nul ne s’y opposera ; elle ne peut pas fuir ; si elle a des enfants, elle ne peut pas les abandonner. Plaider ? elle ne gagnera pas son procès si l’adultère du mari n’a pas été commis à domicile. Elle ne peut pas se tuer si elle a un cœur de mère ? Cherchez une solution ; moi, je cherche.