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égal. J’ai fait quelques heureux et sauvé quelques braves gens. Je n’ai pas fait d’établissements utiles : cela, je ne sais pas m’y prendre. Je suis plus méfiante du faux pauvre que je ne l’ai été.

Pour le moment, je n’ai absolument sur les bras qu’une famille de mourants à nourrir : père, mère, enfants, tout est malade ; le père et la mère mourront, les enfants au moins ne mourront pas de faim. Mais à ceux-là, un peu sauvés, succédera un autre nid en déroute. Et puis, à la fin de l’année, j’ai eu à payer l’année du médecin et celle du pharmacien. Ceci est une grosse affaire, de 1500 à 2000 francs toujours. Le paysan d’ici n’est pas dans la dernière misère : il a une maison, un petit champ et ses journées ; mais, s’il tombe malade, il est perdu. Les journées n’allant plus, le champ ne suffit pas s’il a des enfants ; quant au médecin et aux remèdes, impossible à lui de les payer et il s’en passe si je ne suis pas là. Il fait des remèdes de sorcier, des remèdes de cheval, et il en meurt. La femme sans mari est perdue. Elle ne peut pas cultiver son champ, il faut un journalier payé. Il n’y a pas la moindre industrie dans nos campagnes. Les fonds de la commune consacrés à fournir des remèdes et payer les médecins ne sont distribués qu’aux véritables indigents, qui sont peu nombreux. Donc, tous les prétendus aisés sont à deux doigts de l’indigence si je ne m’en mêle, et plusieurs gens bien respectables ne demandent pas et ne reçoivent qu’en secret. Nos bourgeois de campagne ne sont pas mauvais ; ils rendent des