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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

lez pas me croire, vous pourriez faire tout ce que vous voudriez ; mais vous êtes paresseux et prince, quel dommage !

Je ne vous trouve pas rêveur, loin de là ; vous êtes plus dans le vrai total, que M. Renan, M. Littré et Sainte-Beuve. Ils ont versé dans l’ornière allemande. Là est leur faiblesse. Ils ont plus de talent et plus de génie que tous les Allemands modernes, et, en outre, ils sont Français. Ils sont Français, c’est-à-dire qu’ils ont de l’esprit et qu’ils sont artistes. Cette fantaisie de détruire l’immortalité de l’âme, la véritable et progressive persistance du moi est un péché de lèse-philosophie française. Pour conserver tout ce que la foi a de pur et de sublime, il faut le talent, le cœur et l’esprit français. Les Allemands sont trop bêtes pour croire à autre chose qu’au matérialisme ; je regrette de voir leur influence sur ces beaux et grands esprits dont la France serait encore plus fière s’ils étaient plus chauds et plus hardis.

Ah ! si j’étais homme, si j’avais votre capacité, votre temps, vos livres, votre âge, votre liberté, je voudrais faire une belle campagne, non pas contre ces grands esprits dont nous parlons : je les aime et je les admire trop pour cela ; mais à côté d’eux, puisant en eux les trois quarts de ma force, et en moi, dans mon sentiment de l’impérissable, la conclusion qui répondrait au cœur.

Non, la conclusion, de MM. Renan et Littré ne suffit pas. Ressusciter dans la postérité par la gloire, n’est