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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


DXXXVI

À SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLÉON (JÉRÔME),
À PARIS


Nohant, 19 novembre 1863.


Mon cher prince,

Vous devez me croire morte ; mais vous avez tant couru, vous, que vous n’auriez pas eu le temps de me lire. Vous avez bien travaillé pour les arts, et pour l’industrie, et pour le progrès. Moi, j’ai fait une comédie, c’est moins utile et moins intéressant. Que vous aurai-je appris d’instructif, a vous qui savez tout ? On me dit que vous voudriez savoir ce que je pense de la Vie de Jésus.

M. Renan a fait un peu descendre son héros dans mon esprit, d’un certain côté, en le relevant pourtant de l’autre. J’aimais à me persuader que Jésus ne s’était jamais cru Dieu, jamais proclamé fils de Dieu en particulier, et que sa croyance à un Dieu vengeur et punisseur était une surcharge apocryphe faite aux Évangiles. Voilà du moins les interprétations que j’avais toujours acceptées et même cherchées ; mais M. Renan arrive avec des études et un examen plus approfondis, plus compétents, plus forts. On n’a pas besoin d’être aussi savant que lui pour sentir une vérité, un ensemble de réalités et d’appréciations indis-