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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

tiens encore moins à m’enthousiasmer pour un personnage légendaire qui n’a pas la réalité de Platon, de Pythagore, d’Aristote et de tous les grands esprits que nous savons avoir vécu eux-mêmes, pensé, parlé, écrit ou souffert en personne.

Remarquez que cette situation apocryphe, ou tout au moins douteuse, du fondateur du christianisme ouvre la porte à des croyances tout à fait contradictoires et que cette doctrine si belle a fait dans le monde autant de mal que de bien, par la raison qu’elle part d’une sorte de mythe. C’est un beau rayon dont le soleil est caché dans les nuages. Platon, Pythagore, et les autres fondateurs réels de doctrines ou de méthodes bien définies n’ont jamais fait que du bien. Jésus a apporté l’hypocrisie et la persécution dans la vie humaine et sociale, et cela dure depuis dix-huit cents ans et plus ; à l’heure qu’il est, nous sommes plus que jamais persécutés en son nom, privés de liberté et traqués par ses prêtres dans tous les replis de notre existence. Arrière donc le Dieu Jésus ! Aimons en philosophe cette charmante figure de roman oriental ; mais ne cherchons pas à faire croire à sa divinité ni à sa presque divinité, pas plus qu’à sa réalité humaine. Nous ne savons rien de lui, et nous voici en présence de l’œuvre collective des apôtres, qui souffre la critique à bien des égards. Libre à nous de choisir la version qui nous plaît le mieux et de rebâtir chacun le temple de la nouvelle Jérusalem selon les besoins de notre cœur, de notre