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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

sociétés secrètes. Elle a un pied partout, même dans les écoles, et la moitié des étudiants qui ont sifflé About n’ont pas sifflé le prétendu ami de l’empereur, mais l’ennemi bien avéré du cardinal Antonelli ; ce que je vous dis là, je le sais.

Je crois qu’il est temps encore ; mais, dans un an, il sera peut-être trop tard. La France a besoin de croire à la force de ceux qui la conduisent. On lui fait accepter les choses les plus inattendues par ce prestige. Quand on hésite, quand on s’arrête, elle crie aussitôt qu’on recule, elle le croit, et on est perdu.

Il est bien étrange que, républicaine, je vous dise tout cela, cher prince ; peut-être ceux de mon parti, ou du moins peut-être quelques-uns croient-ils qu’il faudrait dire tant mieux. Eh bien, ils se trompent, ils ne peuvent relever la République et, sans s’en apercevoir, ils vont droit à la Restauration. Alors nous revenons de cent ans en arrière : l’Italie est perdue, la France avilie, et nous reprenons les charmants traités de 1815 !

Si cela arrive de mon vivant, malgré le peu de forces qui me restera, j’irai plutôt vivre avec vos amis les Hurons que de vivre dans les parfums de la sacristie.

Cher prince, vous êtes dans le vrai : l’Empire est perdu si l’Italie est abandonnée ; car la question de l’avenir est là tout entière. Vous l’avez dit avec cœur, avec talent et avec conviction. Puissiez-vous être entendu ! Vous avez le vrai courage moral qui soulève