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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

l’essence du gouvernement. Aucune loi ne l’embarrasse ; tout lui paraît possible, si les hommes ont l’esprit de charité et l’esprit d’examen. C’est vrai ; mais, s’ils ne l’ont pas, il faudrait pourtant le leur donner, et, depuis que le monde est monde, c’est par des institutions qu’on a rêvé ou essayé de former les individus et d’élever le sens moral des sociétés ; depuis que le monde est monde, le niveau général a été très au-dessous des conceptions des grands esprits qui ont entraîné et enthousiasmé les masses. À preuve, tout d’abord, Jésus crucifié.

D’ailleurs, à quoi bon des institutions ? Si Channing est logique, il ne fallait pas dire : « N’importe quelles institutions. » Il fallait aller droit au fait et dire : « Aucune espèce d’institution. »

Et tu vas voir qu’il le dit :

« L’individu est plus que l’État. Il n’est pas fait pour se dévouer et se sacrifier à l’État : c’est l’État qui doit se dévouer à lui et le protéger ; l’État n’est institué que pour garantir et respecter les droits de l’individu. »

Voilà donc la loi et les prophètes ; voilà l’essence de l’unitarisme, et, dans ce sens, unité ne signifie plus en religion le Soyez tous en un de Jésus-Christ ; encore moins l’unité politique et nationale que poursuit l’Italie et que rêvent les autres nations asservies de l’Europe. Cela signifie tout simplement : « Chacun pour soi et Dieu pour tous ! » Or je défie Dieu lui-même, Dieu qui est la logique même, d’être pour deux