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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Ce cher enfant va donc courir le monde et je m’en réjouis, malgré un peu de tristesse et d’inquiétude que je lui cache avec soin ; car il reviendrait plutôt que de m’affliger ; et je ne veux pas qu’il perde une si belle occasion pour voir du pays agréablement.

Dites à tous nos amis où il est, et qu’il comptait bien aller les voir, sans cet incident imprévu. Rappelez-moi aussi à tous les braves gens de là-bas.

Depuis notre arrivée, j’ai travaillé comme un diable. J’ai fini mon roman, corrigé, expédié. Je suis à présent dans le rangement botanique, et chaque plante du Midi que je revois me rappelle mes promenades, les beaux endroits que je connais si bien, le Ragas, le Coudon, Montrieux, les grès de Sainte-Anne, Dardenne, etc. Vous rappelez-vous, à Pierrefeu, le bonhomme qui labourait des pierres, et les lentilles qui poussaient quand même ? et les sans-feuilles que vous n’avez pas pu baptiser en français, et les petites aspérules bleues que Solangette allait me cueillir dans le champ voisin, et tous vos prétendus muguets, etc. ? Je repasse tout cela et je leur fais la toilette. Il me semble qu’il y a déjà longtemps que je vous ai quittés, tant le milieu d’ici, le climat, la flore, les visages sont différents. L’accent provençal et son compagnon intime le mistral manquent à notre existence. Je vois toujours Bou-Maza dans les bras de Nicolas et je répète sa chanson favorite :

Nicolas, demain ta fête !