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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCCLXXX

À M. ARMAND BARBÈS, À BELLE-ISLE EN MER


Nohant, le 5 octobre 1854.


Dieu soit béni pour avoir envoyé au dictateur cette bonne pensée, cette pensée de justice ; car toute pensée de cette nature émane de la volonté de Dieu ? Votre lettre, votre fragment de lettre cité dans les journaux est une pensée divine aussi ; car Dieu veut qu’en dépit des erreurs de point de vue et des haines de parti, et de tous les griefs fondés ou non, nous aimions la patrie. Comment n’aimerions-nous pas la nôtre, qui représente, à travers toutes les vicissitudes, les idées les plus avancées de l’univers ? Où est donc, ailleurs, le maître absolu qui sentirait qu’un patriotisme héroïque, inébranlable, dans le sein d’un homme enchaîné, est une raison plus forte que la raison d’État ? Il faut gouverner des Français pour avoir cette lueur de vérité, au milieu de l’enivrement du pouvoir.

Acceptez, quoi qu’on vous dise ; car il est des gens qui vous crieront de refuser, j’en suis sûre. Vous serez forcé, d’ailleurs ! La prison ne reprend pas les victimes volontaires. Mais va-t-on vous conseiller de quitter la France ? Non, ne le faites pas. Vous êtes libre