Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
224
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

a rencontré aucun dans toute sa vie ; celui qui vous a accroché est une garantie pour l’avenir.

Et puis qu’est-ce que le danger des voyages ? Le danger n’est-il pas partout et à toute heure ? n’ai-je pas été prise de maladie terrible pour une promenade au clair de lune, par un temps superbe, dans mon jardin ? Du jour au lendemain, étranglée au milieu du bien-être, du calme, de la gaieté, de la santé parfaite, j’étais à la mort. Est-ce à dire que je n’irai plus dans mon jardin et que je ne regarderai plus la lune ? Disons-nous bien que nous tenons à un fil, et, cela dit, n’y songeons plus, ou nous ne vivrons pas, par crainte de mourir. Je sais bien qu’Angèle a peur pour vous et pour son enfant plus que pour elle-même ; mais ne la laissez pas devenir superstitieuse en croyant vous-même à des guignons et à des pressentiments. Le danger perpétuel et sous toutes les formes étant le milieu auquel nous ne pouvons échapper, il y a aussi un miracle perpétuel bien plus remarquable et envers lequel nous sommes affreusement ingrats, et, ce miracle, c’est que nous y échappons souvent. Si j’étais auprès d’elle, je suis sûre que je lui ferais oublier ces terreurs, qui sont une maladie de l’imagination.

Maigre vos infortunes, je vous envie d’être là-bas, sous un beau ciel et dans un pays accidenté. Vous ne me dites rien de votre santé ; j’en augure qu’elle est déjà meilleure et je me réjouis de ce que vous ne soyez point à Rome dans cette saison. C’est un endroit malsain, où l’hiver est froid et long, où l’on ne trouve