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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Vous m’avez envoyé des vers d’un de vos amis pour lesquels je ne peux pas être aussi indulgente que vous. Il m’en a envoyé aussi de son côté, et je n’ai pas répondu. Que voulez-vous ! je ne sais pas mentir : je trouve cela affreusement maniéré, sous une affectation de fausse simplicité, et si décousu, si jeté au hasard de la fourchette, que c’est incompréhensible. Pourquoi d’ailleurs m’envoyer cela ? Je n’y peux rien.

Pourtant, il me peine de chagriner un de vos amis, et, comme je ne suis pas forcée de le désespérer par ma franchise, j’aime mieux me taire. Arrangez-vous pour lui dire que je suis si occupée, que je reçois tant de vers, tant de prose… C’est la vérité. Cela arrive tous les jours, comme des avalanches, de tous les coins du monde ; et il y a si peu de choses lisibles pour mes pauvres yeux, calligraphiquement et intellectuellement parlant ! Pour m’achever, votre ami écrit comme pour un myope, et je suis presbyte.

Faites des vers, vous, à la bonne heure. Je ne peux pas aimer ceux de tout le monde, et c’est un peu votre faute.

Bonsoir, mon cher enfant. Embrassez pour moi Désirée et Solange, comme je vous embrasse, de tout mon cœur maternel.