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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

je suis dédommagée quand je paye ce qui me plaît et m’intéresse.

Oui, oui, sauvez-vous à la campagne si le choléra vous menace. Quand même il ne devrait pas vous atteindre, du moment qu’il vous effraye, ce ne serait pas vivre que de vouloir le braver : et donnez-moi de vos nouvelles souvent, quelque paresseuse que je sois à vous écrire.

Si vous n’étiez pas si loin et si le voyage n’était pas si cher, je vous dirais : « Venez à Nohant. » Mais, en outre, il y fait un temps qui vous désespérerait tout à fait ; car il nous désespère un peu, nous autres qui sommes moins difficiles. Depuis deux mois, nous n’avons pas eu deux jours de soleil, et la terre est si trempée de pluie, qu’on ne peut pas sortir des chemins. Cela gêne bien Maurice, qui avait repris fureur à l’entomologie ; et cela nous menace de la famine, si ça continue. Jusqu’ici, nos moissons n’ont pas encore trop souffert, mais il est temps que ça finisse. Elles commencent à courber trop la tête ; et, si une fois elles se couchent dans la boue, une dernière averse perdra tout. Le revenu de Nohant est si peu de chose, que la perte de nos blés ne serait pas un échec irréparable ; mais, si le désastre est général, comme tout se tient, les arts seront aussi infructueux que la terre, et je ne sais pas avec quoi nous donnerons à manger aux gens qui mourront de faim. Décidément, le ciel est fâché et le soleil ne veut plus de nous sur ce coin de l’univers.