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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CCCLXXVI

À SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLÉON (JÉRÔME),
À PARIS[1]


Nohant, 16 juillet 1854.


Mon cher prince,

Vous m’avez dit de vous écrire, je n’ose pas trop, vous devez avoir si peu le temps de lire ! Mais voilà deux lignes pour vous dire que je vous aime toujours et que je pense à vous plus que vous ne pouvez penser à moi. C’est tout simple, vous agissez et nous regardons. Vous êtes dans la fièvre de la vie ; et nous sommes dans le recueillement de l’attente.

On m’écrit de Belle-Isle, et vous devinez bien qui : « On m’accuse de chauvinisme, parce que je fais des vœux pour que nos petits soldats entrent à Moscou et à Pétersbourg, et pour la mission que notre cher pays est toujours chargé de remplir dans le monde. »

Il y a là, dans les fers, une âme de héros qui prie comme moi tout naïvement, et avec qui je suis fière d’être d’accord.

Mais nous sommes malheureux comme les pierres, de ne rien savoir que par des journaux auxquels on ne peut se fier, et d’attendre souvent si longtemps des

  1. Reçue au camp de Jeffalik, près Varna, le 5 août 1854.