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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

voix du prêtre vous jette dans une sorte de vertige. Quittez le prêtre et allez à Dieu, qui vous appelle, et qui juge apparemment que votre âme est assez éclairée pour ne pouvoir plus supporter un intermédiaire sujet à erreur.

Ou, si l’habitude, la convenance, le besoin des formules consacrées vous lient à la pratique du culte, portez-y donc cet esprit de confiance, de liberté et de véritable foi qui est en vous. Préservez-vous de cette idée fixe qui vous ronge et qui vous éloigne de Dieu. Dieu ne veut pas qu’on doute de soi-même, car c’est douter de lui. Votre pauvre Agathe était bien touchante et vous avez été son ange gardien. Pour cela seul, vous avez mérité que Dieu vous aime particulièrement et vous retire de vos doutes ; mais il faut aider à la grâce, et c’est ce que vous ne faites pas quand vous laissez ces fantasmagories de néant et de perdition vous envahir. C’est cela qui est coupable, et non pas les actions de votre vie ni les élans de votre cœur.

Je vous disais, il y a quelques années : Allez à Paris ! mais Paris est devenu un gouffre de luxe et de vie factice, et vous avez laissé passer du temps. Chaque année, à nos âges, rend plus pénible le changement de régime et d’habitudes. Seulement vous devriez aller à Paris de temps en temps, ne fût-ce que quelques jours chaque année. Vous aimez les arts, la musique, tout cela vous serait bon et dissiperait ces vapeurs que la vie monotone engendre fatalement. C’est de la distraction et l’oubli de vous-même qu’il vous faut.