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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Nous avons été voir la comédie bourgeoise pour les pauvres, à la Châtre. C’est trop mauvais. Duvernet et Eugénie sont directeurs de cette troupe. Ça ne leur fait pas honneur.

Il pleut depuis deux jours ; jusque-là, il a fait beau et chaud le jour, froid la nuit, ce qui constitue un hiver excellent. Le jardinier a planté, dans un carré du jardin, un verger magnifique. Patureau est revenu planter sa vigne, qui sera aussi un modèle de vigne. Il y a émulation. Nini dit toutes les bêtises du monde et se porte comme un charme.

Nous avons une tradition pour toi. Quand on veut avoir un bon chien de garde, on le pile. Connais-tu ça ? Voici comme on procède :

Auguste le charpentier, qui est sorcier et pileux de chiens, s’est rendu, par une nuit noire, chez Millochau, à la prière de ce dernier, pour piler son chien. La nuit était si noire, qu’Auguste passa à quatre pattes sur le pont pour ne pas se noyer, dit-il ; mais cela faisait peut-être bien partie de la conjuration, il ne l’avoue pas. Le chien avait trois ou quatre jours. Il ne faut pas qu’il ait vu clair quand on le soumet à l’opération, on le met dans un mortier et on le pile avec un pilon. Auguste dit qu’on ne lui fait pas grand mal ; mais je crois bien qu’il le broie et que, par son art, il le ressuscite. Tout en le pilant, il lui dit trois fois cette formule :

« Mon bon chien, je te pile.

» Tu ne connaîtras ni voisin ni voisine.