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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

nion de la France en ce moment. Nous avons un mot trivial que vous traduirez par quelque équivalent dans votre langue : c’est le canard politique. Tous les matins, une histoire merveilleuse, absurde, ignoble le plus souvent, part de je ne sais quels cloaques de Paris et fait le tour de la France, agitant les populations sur son passage, leur annonçant un sauveur nouveau, ou un ogre prêt à les dévorer, les livrant à de folles espérances ou à de sottes frayeurs, et se personnifiant, par une mystérieuse solidarité, dans les individus qui plaisent ou déplaisent aux diverses localités. Ce peuple intelligent mais crédule et impressionnable, on travaille ainsi à l’abrutir ; mais, comme ce n’est pas facile, on ne réussit qu’à l’exalter et à le rendre fou. Aussi nulle part il n’est tranquille, nulle part il ne comprend. Ici, il crie : « À bas la République ! et vive l’égalité ! » Ailleurs : « À bas l’égalité ! et vive la République ! »

D’où peut sortir la lumière, au milieu d’un tel conflit d’idées fausses et de formules menteuses ? De belles et nobles lois peuvent seules expliquer à la foule que la République est non pas la propriété de telle ou telle classe, de telle ou telle personne, mais la doctrine du salut de tous.

Qui fera ces lois ? Une Assemblée vraiment nationale. La nôtre malheureusement subit toutes les préventions et cède à toutes les influences qui font la perte des monarchies.

Vous voyez, ami, combien il est difficile à une so-