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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

qu’elle est mauvaise, archimauvaise. Je n’ai pas besoin vis-à-vis de vous de la désavouer. Elle est signée, dites-vous, par des gens que j’aime, c’est vrai, mais plus ou moins : quelques-uns beaucoup, d’autres pas du tout. Quelle qu’elle soit, du moment qu’elle vous méconnaît, vous outrage et vous calomnie, je la condamne et suis fâchée de ne l’avoir pas connue lorsque j’ai écrit à Louis Blanc en même temps qu’à vous, par l’intermédiaire de Michele. Je lui en aurais dit mon sentiment avec franchise. Cela viendra.

Pour le moment, ce n’est pas facile, puisque je ne peux me procurer ce malheureux écrit, et que, d’ailleurs, les correspondances sont si peu sûres. Il est affreux de penser que nous ne pouvons laver notre linge en famille, et que nos épanchements les plus intimes peuvent réjouir la police de nos persécuteurs les plus acharnés. — Et puis j’arrive trop tard dans ces débats ; je suis placée trop loin des faits par ma retraite, mon isolement, et tant d’autres préoccupations, moins importantes certainement, mais si personnellement obligatoires, que je ne peux m’y soustraire.

Enfin, mes amis, m’écouteriez-vous si j’arrivais à temps pour retenir vos plumes irritées et brûlantes ? Hélas ! non. Il y a dix ans que je crie dans le désert que les divisions nous tueront. Voilà qu’elles nous ont tué, et qu’on s’égorge encore, tout sanglants et couchés sur le champ de bataille ! quel affreux temps ! quel affreux vertige !