Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 3.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

une apparition idéale de justice et de vérité, il importe bien que vous sachiez ceci : c’est que je n’ai pas été seule dans ma religion à accepter votre avènement avec la soumission qu’on doit à la logique de la Providence ; c’est que d’autres, beaucoup d’autres adversaires de la souveraineté du but ont cru de leur devoir de se taire ou d’accepter, de subir ou d’espérer. Au milieu de l’oubli où j’ai cru convenable pour vous de laisser tomber vos souvenirs, peut-être surnage-t-il un débris que je puis invoquer encore : l’estime que vous accordiez à mon caractère et que je me flatte d’avoir justifié depuis par ma réserve et mon silence.

Si vous n’acceptez pas en moi ce qu’on appelle mes opinions, mot bien vague pour peindre le rêve des esprits, ou la méditation des consciences, du moins, je suis certaine que vous ne regrettez pas d’avoir cru à la droiture, au désintéressement de mon cœur. Eh bien, j’invoque cette confiance qui m’a été douce, qui vous l’a été aussi dans vos heures de rêveries solitaires ; car on est heureux de croire, et peut-être regrettez-vous aujourd’hui votre prison de Ham, où vous n’étiez pas à même de connaître les hommes tels qu’ils sont. J’ose donc vous dire : Croyez-moi, prince, ôtez-moi votre indulgence si vous voulez, mais croyez-moi, votre main armée, après avoir brisé les résistances ouvertes, frappe en ce moment, par une foule d’arrestations préventives, sur des résistances intérieures inoffensives, qui n’attendaient qu’un jour de calme ou de liberté pour se laisser vaincre moralement. Et