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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de Dieu et qui voyez combien cette humanité en travail lui est chère ! vous qui pouvez juger des miracles que la Toute-Puissance tient en réserve pour l’intelligence des faibles et des opprimés, d’après les révélations sublimes qui sont tombées dans votre âme de poète et d’artiste ? Eh quoi ! en peu d’années, vous vous êtes élevé dans les plus hautes régions de la pensée humaine, et, vous faisant jour au sein des ténèbres du catholicisme, vous avez été emporté par l’esprit de Dieu, assez haut pour crier cet oracle que je répète du matin au soir :

« Plus il fait clair, mieux on voit Dieu ! »

Vous avez emporté, avec les flammes qui jaillissaient de vous, ce milieu de vaine fumée et de pâles brouillards où la vanité du monde voulait vous retenir ; et, maintenant, vous ne croiriez pas que la volonté divine, qui a accompli ce miracle dans un individu, puisse faire briller les mêmes éclairs de vérité sur tout un peuple ? vous croyez qu’il attendra des siècles pour réaliser le tableau magique qu’il vous a permis d’entrevoir ? Oh non ! oh non ! Son règne est plus proche que vous ne pensez, et, s’il est proche, c’est qu’il est légitime, c’est qu’il est saint, c’est qu’il est marqué au cadran des siècles. Vous vous trompez d’heure, grand poète, et grand homme ! Vous croyez vivre dans ces temps où le devoir de l’homme de bien et de l’homme de génie sont identiques, et tendent également à retarder la ruine de sociétés encore bonnes et durables ! Vous croyez que la ruine commence, tandis qu’elle est con-