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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

de vous parler de vous et de vous dire tout bonnement ce que j’en pense, à présent que je vous ai vu. C’est que vous êtes aussi bon que vous êtes grand, et que je vous aime pour toujours. Mon cœur est brisé, mais les morceaux en sont encore bons, et, si je dois succomber physiquement à mes peines avant de vous retrouver, du moins j’emporterai dans ma nouvelle existence, après celle-ci, une force qui me sera venue de vous. Je suis fermement convaincue que rien de tout cela ne se perd, et qu’à l’heure de mon agonie, votre esprit visitera le mien, comme il l’avait déjà fait plusieurs fois avant que nous eussions échangé aucun rapport extérieur.

Tout ce que vous m’avez dit sur les vivants et sur les morts est bien vrai, et c’est ma foi que vous me résumiez. À présent que vous êtes parti, quoique nous ne nous soyons guère quittés pendant ces deux jours, je trouve que nous ne nous sommes pas assez parlé ! Moi surtout, je me rappelle tout ce que j’aurais voulu vous demander et vous dire. Mais j’ai été un peu paralysée par un sentiment de respect que vous m’inspirez avant tout. Croyez pourtant que ce respect n’exclut pas la tendresse, et que, excepté votre mère, personne n’aura désormais des élans plus fervents envers vous et pour vous.

J’espère que vous me donnerez de vos nouvelles de Paris, si vous en avez le temps. Je suis en dehors des conditions de l’activité, je ne puis rien pour vous, que vous aimer ; mais Dieu écoute ces prières-là, et elles ne sont pas sans fruit.