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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

et que, si j’en avais trouvé une, j’en ferais bien bon marché. Ce qui m’occupe aujourd’hui, ce qui fait que vous me croyez en dissidence avec vous quand je ne pense pas y être, c’est le caractère, l’intuition, la volonté des hommes ; je me demande à quel but ils marchent, et cela me suffit. Eh bien, on crée un centre, on lui donne un journal, un manifeste pour organe.

Votre manifeste est beau et juste, à ce qu’il me semble. S’il était isolé, je ne ferais pas de réserves ; mais il est encadré par un groupe, qui croit devoir s’en prendre au socialisme de Louis Blanc de l’impuissance politique et sociale du gouvernement provisoire. Pour moi, ce groupe se trompe. Ce groupe met à sa tête un homme que j’estime comme particulier, auquel je ne crois pas comme homme politique ; et, avec cela, on se prononce assez ouvertement contre un homme au caractère duquel je crois fermement ; ma conscience me défend de joindre ma signature à ces signatures.

Il y a plus, Louis Blanc y apporterait la sienne, que ne le suivrais pas, parce que je sais des choses qu’il ne sait peut-être pas, parce que je me souviens de choses que je ne dois pas dire, les ayant surprises au laisser-aller de l’intimité.

Aimez-moi donc comme si de rien n’était, mon ami, et, de ce que je ne fais pas un acte que vous me conseillez de faire, n’y voyez pas une différence de sentiments et de principes : voyez-y seulement une manière différente d’apprécier un fait passager.

Ce qui me fait rester calme devant vos tendres