Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 3.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

le peuple n’a pas compris qu’avec des sous on faisait des millions.

L’article du second numéro du Proscrit sur l’organisation de la presse démocratique est rigoureusement vrai pour signaler le mal, et parfaitement inutile pour y porter remède. Il est facile de démontrer ce qu’on peut faire ; il est impossible de faire éclore du dévouement là où il n’y en a pas ; notre Travailleur[1] est ruiné. Notre ami le rédacteur est en prison. Sa femme et ses enfants sont dans la misère. Nous sommes trois ou quatre qui nous cotisons pour tout le désastre. Les bourgeois du parti sont sourds, le peuple du parti, plus sourd encore. Le banquet donné à Ledru-Rollin il y a deux ans, et qui paraissait si beau, si spontané, si populaire, qui l’a payé ? Nous. Et c’est toujours ainsi. Il importe peu quant à l’argent ; mais le dévouement, où est-il ? Une masse va à un banquet comme à une fête qui ne coûte rien. On s’amuse, on crie, on se passionne, on en parle huit jours, et puis on retombe, et c’est à qui dira qu’il y a été entraîné, et qu’il ne savait pas de quoi il s’agissait.

Regarderai-je ailleurs ? Je verrai des provinces un peu plus braves sans résultat meilleur. Est-ce à la Montagne que nous chercherons le produit de toutes les opinions socialistes ? Est-ce à Paris, dans les faubourgs décimés par la guerre civile, et tremblants devant une armée qu’on sait bien n’être pas ce qu’on

  1. Journal qui se publiait à Châteauroux.